LES MÉMOIRES DE L'ÂME
Ecole de Tarot Initiatique
LES MÉMOIRES DE L'ÂME
Ecole de Tarot Initiatique

Qu'est-ce qu'un mythe et comment agit-il ?

Mythe, de « muein » entrer dans le mystère est un récit suggérant un ordre de réalité entre réel et imaginaire. De ce fait les mythes traversent allégrement le temps « zéro » comme le chameau le chas d'une aiguille.
Evénement ressortis de l'entrepôt de la mémoire collective qui ne se sont jamais produit tout en ayant toujours été, éternellement présent, ni oubliés ni passés, les mythes sont encore présents aujourd'hui exactement comme ils l'ont toujours été. Ils proposent ainsi une réflexion sur l'organisation du monde et la distribution des rôles de ses occupants ; c'est une philosophie cyclique, une mise en image la mise en image dont les fins ne sont jamais absolues.
Enfin, sans sa dépravation morale, la mythologie ne serait qu'une religion de plus, une construction ou une révélation inspirée de dogme éthique, et non l'incarnation continue d'une expérience humaine, dans laquelle les motifs pathologiques sont nécessairement incorporés.
Il devient alors possible de comprendre un aspect important du rapport entre mythologie et pathologie par l'acceptation que le comportement pathologique est une mise en acte du mythe et une mise en image d'un modèle archétypal.
Sans les dieux nous sommes réduits au diagnostic psychiatrique, la souffrance nous faisant perdre de vue leur participation à un modèle bien plus vaste.

L'entre-deux ou la psyché, là où agissent les dieux et les archétypes

1°) Tout est système de représentation : en choisir un tout en se gardant toujours de s'y identifier de façon absolue. Je propose celui-ci :

• La vibration du Verbe devient Energie et frappe la matière (le big-bang en astrophysique)
• Le point de frappe va s'allonger sous la puissance de l'Energie, devenir une ligne, puis une surface se reliant sur elle-même en un cercle ou ligne cyclique. A ce moment l'Energie se transforme en temps animant le cycle. A la fois mise en mouvement, coulée ininterrompue mais ouverte par les prises de conscience.
• Lors de la frappe de l'Energie la matière reçoit en mémoire un contenu informationnel : le rythme secret de l'Energie en la matière mis en image par les Archétypes (Inconscient collectif).
• Les cycles se présentent comme le contenant MATériel de l'Energie divine (Soi) qui anime celle-ci. En miroir et en décalé, par système de mise en application des informations reçues de l'Energie Divine, le double matériel se crée ; nous l'appellerons l'énergie psychique et ses empreintes.
• Nous avons alors deux lignes parallèles dont l'une est le reflet déformé de la première, piégée dans un retard qui se rejoue continuellement. En ces deux lignes, comme entre les deux brins de l'ADN, besoin et réponses créent des passerelles. S'y tient le monde archétypal, abîme apparemment informe et cependant empli d'informations, de besoins, de douleurs, monde antérieur à la fermentation n'ayant pas été organisé en intrigue offrant le cru qui nous permettra d'arriver au cuit.

2°) Sur les archétypes

• Les archétypes se sont des structures psychiques antérieures au moi. Des « templates » ou combinaisons prédéfinies.
• Il est essentiel d'admettre que nous ne voyons que ce que nos idées, régies par des archétypes, nous autorisent à voir. Si le moi est à considérer comme Monsieur tout le monde amenant le sens de continuité en rapportant tout à lui (la récompense comme la défaite), les archétypes sont des puissances primordiales s'exprimant toujours dans la démesure.
• Les archétypes ne racontent pas une histoire mais révèlent une structure devenant par la suite des modèles universaux théoriques. Il n'est pas question de ce qui survient ensuite et de la façon dont se passera la situation suivante mais de circonstances illustrant des principes, des images, des allégories, des scènes mettant en oeuvre dans le temps.
• La forme du récit étant aussi archétype, déchiffrer une histoire clinique dans une perspective archétypale va prendre en compte sa forme, ce qui amène au genre dans lequel on s'imagine mais également le rythme, la langue etc. Ainsi le même récit pourrait être différent si il est écouté et consigné différemment. Ce sont des histoires factuelles sur la matière primordiale dans laquelle la psyché est prise.
• Les archétypes invitent au langage symbolique, le seul compréhensible par l'âme et qui permet de bien différencier les rôles à jouer dans le théâtre de la vie.

5°) Communication et dynamique archétypale :

• La polarité : Pour interpréter nous avons besoin de frontières bien établies et entretenues, séparation permettant de faire circuler les données d'un domaine à l'autre grâce à l'art de l'interprétation, donc des symboles, de l'imaginaire, de l'art de la poésie. Exemple Ying/Yang, symbole/concept, conscient/inconscient dont découle la traduction-interprétation.
• Les frontières ne sont pas à considérer comme des opposés réclamant censeurs, interprète etc. mais à considérer comme des miroirs suscitant une correspondance d'images, une circulation d'un côté à l'autre.
• L'intrigue thérapeutique est un processus ininterrompu qui a besoin continuellement de matériaux nouveaux pour poursuivre la genèse de l'âme. Un événement devient une expérience lorsqu'il est soumis à un processus psychologique, que l'âme le travaille d'une manière ou d'une autre.

Les dieux majeurs à l'œuvre

Chaque Dieu ou archétype à son logos, irréductible à une définition unique mais correspondant fondamentalement au pouvoir pénétrant qu'à l'esprit de créer un cosmos et de lui conférer un sens. Nous trouvons là une première mise en représentation d'une appréciation du fonctionnement de l'énergie en la matière et qu'au moment où nous pensons nous sommes enfermés dans un mythe particulier. A travers quel regard mythique particulier j'exprime mon discours maintenant ? Sentir l'archétype dans le creuset qu'il représente

PSYCHE (du grec psukhê - âme)

Psyché est une princesse mortelle dont la beauté chantée d'est en ouest et du nord au sud rend jalouse Aphrodite, elle-même déesse de la beauté. Celle-ci n'aura de cesse de la faire disparaitre, utilisant même son propre fils Eros (dans ce poème), dans l'édification de son complot. Las ! Eros se pique avec l'une de ses propres flèches et tombe amoureux de la belle Psyché qu'il épouse. Une contrainte cependant, Psyché ne doit jamais tenter de voir son visage. Profondément déconcertée par les conseils fielleux de ses deux sœurs jalouses, Psyché transgresse cet ordre et contemple son mari endormi. Devant la sublime beauté de l'Amour, Psyché sursaute, une goutte d'huile de sa lampe tombe sur l'épaule d'Eros. Celui-ci se réveille et s'envole alors que Psyché tente de s'accrocher en vain à ses pieds. L'Amour s'est enfui laissant Psyché inconsolable. Désespérée, elle tente de se noyer dans le Styx mais est sauvée par le dieu Pan. Psyché traversera alors une longue suite d'épreuves que lui impose Aphrodite, représentant la traversée des « nuits de l'âme » à la recherche du Désir et de l'Amour. Durant ce temps, Eros  s'est réfugié chez sa mère Aphrodite qui, très en colère d'être ainsi trahie, lui intime de rester reclus. Quelques épreuves plus tard, Eros guéri et libre de la possession maternelle, sauve à nouveau Psyché et demande à Zeus de la rendre immortelle. Zeus lui accorde imaginant ainsi qu'Eros assagi ne sèmera plus la discorde chez les couples tant sur terre que dans l'Olympe ! De leur union naît leur fille Volupté.

En psychologie analytique, la psyché est une théorie qui désigne l'ensemble des manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité d'un individu. Mais L'âme psychique ou Psyché est surtout ce qui transforme les événements en expérience. Elle se définie comme une perspective plutôt qu'une substance, un point de vue sur les choses plutôt qu'une chose.
Psyché n'a pas besoin d'être libérée de ses symptômes, elle n'a pas besoin que la vie soit vécue parfaitement. Elle recherche autre chose qu'une existence hygiénique, des relations fructueuses et des programmes de vie. Ce dont l'âme a ardemment besoin, ce dont elle se meurt, c'est de faire l'expérience du monde (se présentant à nous comme un être vivant) tel qu'il s'offre à elle dans l'expérience de la beauté qui, à l'image de Dieu, est toujours simple. Psyché, par son inclianation naturelle à communiquer dans l'amour,  est ce mode par lequel on reconnaît la nature symbolique de toute réalité.
 Il est reconnu  en psychologie archétypaleque que l'âme s'épanouit lorsque le facteur divin est reconnu dans l'entreprise humaine se présentant. L'âme ayant un vif désir de s'unir avec sa matrice qui est l'âme de l'univers, un sens esthétique vital et sensible est le moyen par lequel l'âme humaine accomplit cette union. Aussi, l'âme possèdant une véritable propension à psychologiser, nous ne pouvons rien faire pour elle si nous ne la reconnaissons pas en tant que nature intérieure, si nous ne souvenons pas qu'elle a une imagination, une réflexion et des intentions psychiques qui lui sont propres.
 Dénuée de psychologie et de dialogue avec les archétypes, la vie dans laquelle la psyché n'est pas à la poursuite de l'éros et de sa beauté, se réduit à regarder le monde pour y voir des classifications scientifiques des choses ou à des nouvelles ressources pour l'appétit du consommateur, restant aveugle aux choses dans leur forme sensible et unique.
Dans le mythe d'Eros et Psyché, l'âme dans un premier temps encore sous l'influence de la matrice et de ses structures inconscientes ne reconnait pas l'Amour indifférencié du Désir et lui-même objet phallique de sa mère (ou inconscient collectif). Sans désir, sans beauté, sans transcendance l'âme se meurt, l'âme souffre, l'âme accomplit ses tâches dans une mécanique désespérée. C'est donc au prix d'un parcours différenciant et éprouvant pour Psyché mais également pour Eros, que l'union entre l'âme spirituelle contenue en la matière et l'énergie divine peut se réaliser, ouvrant à l'humain le goût de vivre avec Volupté.
 

EROS
(L'arcane VI - L'Amoureux)

Au banquet fêtant la naissance d'Aphrodite, se trouvait Poros (qui désigne le passage, la route, le gué, la voie et issu de la racine indo-européenne PER   indiquant un « mouvement vers », « avancer », « entrer dans », « délimiter avec secondairement l'idée d'épreuve » ; seront entre autre issus du radical « Per » : empirisme, péril, expérience). A l'issue du dîner, Pénia (personnifiant la pauvreté, le manque, le vide, la vacuité, la matière brute et le manque d'inforamtion, la privation de forme, l'absence de détermination) s'approcha de Poros endormi et profita de son sommeil pour s'unir à lui. De là naquit Éros.
« Il est toujours pauvre, et loin d'être délicat et beau comme le croient la plupart, il est rude au contraire, il est dur, il va pieds nus, il est sans gîte, il couche toujours par terre, sur la dure, il dort à la belle étoile près des portes et sur les chemins et le besoin l'accompagne toujours.(...) Il tient de sa mère, et l'indigence est son éternelle compagne. D'un autre côté, suivant le naturel de son père, il est toujours à la piste de ce qui est beau et bon (...); habile sorcier, magicien et sophiste. Dans la même journée, tantôt il est florissant et plein de vie et dans l'abondance ; tantôt il meurt, puis renaît, grâce au naturel qu'il tient de son père. Ce qu'il acquiert lui échappe sans cesse, de sorte qu'il n'est jamais ni dans l'indigence ni dans l'opulence. »

Platon nous propose ici une très inspirante description du désir et de sa manifestation dans la psyché. Dans l'évolution du mythe, Eros se mue en Philia, l'amitié : on retrouve l'itinéraire érotique enseigné par Diotime à Socrate  s'éxprimant selon les voies du désir et de ses risques soit de l'avoir à l'être, vers la contemplation, le beau, selon des comportements amoureux qui diffèrent. Il s'agit dans ce cas, selon Diotime, d'aller vers la connaissance et, pour les deux interlocuteurs de s'impliquer en parlant selon la vérité; ceci tout en délaissant l'espace du mythe et de la métaphore pour celui de la réalité psychique où corps et parole sont liés.
Eros, classiquement confronté à Thanatos et à la discorde, représente l'affinité universelle entre les êtres et le besoin impérieux de rapprochement. Il est toujours en quête de son objet de désir, lequel entre en fonction par rapport au manque. Se situant entre la dimension du manque à être, dont la fonction est structurante pour le désir et le savoir-faire ou le savoir-être, entre la connaissance et l'ignorance, entre les dieux et les hommes par l'interprétation des désirs de ces derniers, il en est ainsi du phallus imaginaire, qui médiatise la relation de l'enfant à la mère, via la castration, c'est-à-dire le renoncement, le fait de pouvoir manquer. L'amour se vit à travers l'imagination, domaine de Psyché ; l'amour se trompe souvent car il est abusé comme un enfant innocent.
L'essence de notre expérience en cette vie n'est elle pas la différentiotion de l'energie du Désir de ses attachements afin qu'Eros soit présent dans l'avec au moment de la mort ? Odyssée au cours de laquelle la nécessaire présence du Dieu Pan ne peut être occultée...

EROS ET PSYCHE

Le tourment qu'endure l'âme dans sa relation avec l'éros est un des thèmes dominants de la légende d'Eros et Psyché.

L'Amour se meut en effet dans plusieurs directions car ce n'est pas seulement le moi qui aime mais d'autres figures, d'autres images, d'autres rêves qui nous animent et nous désirent et nous rendent désirant. Aussi, la souffrance de l'âme semble inhérente à toute relation intime et, quelles que soient les circonstances, l'amour dispose des êtres comme si une nécessité mythique à reproduire la légende d'Eros et Psyché était écrite.
Etant convenu que dans l'amour délicieux du début s'inscrit l'anxiété, quel serait le résultat de ces tortures (trahison, abandon, déni) ? Sur quoi porte la torture ? En quoi consiste-t-elle ?
Le psychisme qui souffre du mal d'amour converti l'âme de l'être humain en psyché. Éros est mis à la torture par son principe même le feu, brûlant l'autre mais qui brûlant seul lorsqu'il est séparé de Psyché, soit lorsqu'il est dénué de réflexion des profondeurs. Quant à Psyché, séparée d'Eros, sans amour, inconsolable, elle se livre aux travaux de survie, mais sans espoir et sans énergie. Leur séparation est expérimentée comme une coupure ; pendant que d'un côté Eros brûle de tous ses feux, la psyché de l'autre rumine ses tourments et accomplit ses corvées.
Avant que la réunion d'Eros et Psyché soit possible, Psyché doit passer par la nuit de l'âme où elle sera déchirée entre deux sentiments contradictoires : celui du « possible » dont elle est ontologiquement porteuse et d'un sentiment de culpabilité portant sur la séparation, la fin. Ce supplice (car ni la fin, ni le « stop» ne sont concevables pour l'énergie féminine), s'étend jusqu'à ce que le travail de l'âme (les corvées de Psyché), par son aboutissement, réunisse Psyché à Eros transformé. Eros qui, de son côté, semble avoir du régresser jusqu'à un état de veille et d'agitation enfiévrée où il subissant la domination de sa mère, par le manque ce que cette régression lui apporte, accède à la conscience psychique. La trahison conduit toujours à une série d'épreuves rédemptrices.
Et c'est alors, qu'advient l'union d'Eros et de Psyché, une union pour laquelle la bénédiction des dieux est nécessaire.
En effet, pour que le psychisme s'unisse légitimement au principe créateur, il est absolument nécessaire de réaliser que nous avons perdu l'amour primordial non seulement par la trahison et la séparation d'avec Eros, mais aussi par notre mauvaise union avec lui. D'où nos esclavages, nos servilités, nos douleurs, nos tristesses, nostalgie...
La souffrance en ce mythe est de l'ordre de l'initiation. Il inspire, face aux tourments de l'amour, un nouvel esprit d'affirmation et d'encouragement. Car, quelque que soit le déguisement revêtu, c'est Eros qui est en cause, sa puissance créatrice cherchant à s'unir à Psyché s'éveillant aux mouvements de la vie. Toutes ces complications, tous ces tourments sont au cœur de la discipline psychologique nécessaire au développement de l'éros et de l'Amour.
Eros se remémorera toujours ses origines dans le chaos, le recherchant pour s'y revivifier, recréant sans cesse les nuits obscures et les systèmes confus dans lesquels il peut se complaire. Il renaît dans les conflits passionnels, les affres de la jalousie, les crises de colère et les agitations de l'âme.
Né du chaos, Eros signifie que la créativité peut naître en chaque moment chaotique.
Il est alors possible de reconnaître qu'Eros et la psyché ne sont pas simplement des personnages de contes ou des images de grand archétype, mais les deux pôles de tout développement psychique l'un à l'autre nécessaire. C'est en expérimentant psychologiquement un événement que le lien avec lui se ressent ; par les sentiments et les désirs, conscience advient que se joue quelque chose d'important pour nôtre âme.
Que serait la vie sans épreuves ? Une interrogation flegmatique et à l'élan vital dénué de force puisque dénué de l'effervescence de l'amour. Alors que dans chacun de nos problèmes un amour inconnu se trouve caché car, invisible l'Amour ne se distingue que par ses effets.

KRONOS-SATURNE
(L'arcane IX - L'Hermite)

Kronos, Chronos, le Temps.
Il existe deux versions concernant la naissance de Chronos (en grec ancien Khrónos). Je privilégie la tradition orphique présentant Chronos comme un dieu primordial personnifiant le Temps et la Destinée. Il est uni à la déesse Ananké, (déesse de la Nécessité et mère des trois Moires ou « portions de destin assignées à chaque homme » : Clotho la Fileuse tisse le fil de la vie, Lachésis la Répartitrice le déroule, Atropos l'Implacable le coupe). De cette union vont naître trois enfants : Chaos, Éther et Phanès.
Selon la Théogonie d'Hésiode, à l'origine, il y a le Chaos primordial dont naissent par parthénogénèse, Gaïa, la Terre et Ouranos, le Ciel ainsi qu'Éros, le Désir, principe vital et dynamique.

Kronos, fils de Gaä et Ouranos (Terre et Ciel), appartient donc à la deuxième génération divine : « Puis vint le plus jeune d'entre les Titans, Kronos aux pensées courbes, le plus terrible des enfants ; et il prit en haine son géniteur florissant... ».
La légende de Kronos est d'abord placée sous le signe de la haine et de son redoublement, la vengeance : tisis (d'où les Titans tireraient leur nom). En effet, les enfants d'Ouranos sont haïs par leur père qui leur refuse naissance en les maintenant au profond des entrailles de Gaïa. Celle-ci, oppressée de ne pouvoir mettre au monde demande à son fils Kronos d'appliquer son désir de vengeance: avec la faux fabriquée par les soins de sa mère, il tranche les testicules de son père séparant ainsi la Terre et le Ciel en deux entités distinctes.
Si le sang issu de cette castration tombe sur la Terre et donne naissance à des puissances redoutables, les parties génitales sont elles jetées à la mer. De la rencontre de la mer et du Ciel nait Aphrodite  (d&éesse de la Beauté) issue originellement de la lutte entre Ouranos et Kronos.
Kronos règne alors sur les autres dieux mais pour conserver la maîtrise du monde, dévore ses enfants issus de son union avec Rhéa sa sœur et double de Gaïa. Cependant, Zeus le dernier de ses fils, grâce à une ruse de sa mère réussit à son tour à détrôner son père et impose sa souveraineté. Avec lui, une nouvelle génération de dieux s'impose, les Olympiens, qui règnent sur un univers plus apaisé dans lequel les hommes font leur apparition. Se place ici, sous le signe du bonheur et de l'heureuse fertilité (l'âge d'or) la seconde partie du mythe.

La beauté est un état d'âme si indifférencié, si élémentaire qu'il est cohérent de retrouver le motif dans l'amplification mythologique primitive et archaïque des mythes de Kronos et Saturne et illustrant les origines les plus lointaines de la cosmogonie humaine. Quant à l'ambivalence de ce cycle, cruauté et paix, lecture est à faire comme une subtile représentation du temps: lorsque le Dieu Courbe (la pliure du temps en astrophysique) dévore sa progéniture (représentant la succession d'instants), le chaos devient imprévisible ; en revanche l'âge d'Or de Saturne, ou la mesure du présent, règne chez les hommes, offrent à ceux-ci de « vivre l'instant comme des immortels ».

Kronos (ou Saturne) correspond à l'intellect dans le sens non rationnel du grec «noûs » signifiant la faculté de connaître en donnant forme et unité à l'objet, soit « sacer noûs » ou esprit sacré. Il est le dévoreur archétype représentant la digestion interne, le ralentissement, la dépression magistrale.
L'aspect dépressif, dominant chez Kronos, est généré non seulement par le pressentiment insupportable et inévitable de la mort mais également par la conséquence qui en découle. En effet, le sujet tout en étant témoin de sa mort continuelle, ne meurt pas. Le père et le fils voient, reflété dans l'un comme dans l'autre, ce qui les attend tous les deux: l'inévitable vieillesse pour le Puer, l'usurpation de sa place pour le Senex.
Indissociable de la fin et de la mort, le temps dans la matière pose l'exercice exigé de la solitude. Au commencement de toute réalisation spirituelle, il y a la mort, premier détachement du monde : la conscience doit être arrachée des sens et dirigée vers l'introspection. Mais comme la lumière intérieure n'a pas encore jailli, cet abandon du monde extérieur est ressenti comme une nuit oppressante, une nox profunda.
Se pose également l'œuvre de différentiation imposée lors du choix évolutif et l'acceptation de l'expérience de la hiérarchie. La hiérarchie  ramène l'être à un mouvement constant, une prise en compte de sa position réelle se renouvelant continuellement, soit l'entre-deux du rang vécu dans le 100% de l'instant.
L'intense et ontologique sentiment de solitude ou l'acedia (désignant le manque d'ardeur, l'âme laissée en jachère, la dépression) se doit d'être accepté comme partenaires de l'aventure humaine. La lutte en contre l'acedia sera toujours vaine, au contraire du « vivre dans l'avec ». Accepter l'acedia, sans s'y identifier tout en l'acceptant comme énergie fondamentale et constitutive de notre psyché, ouvre à l'empathie et à la création puisque l'acedia débouche sur la généreuse mélancolie, illustre compagne de la beauté.
La tristesse fait donc partie de la psyché humaine  l'ouvrant au monde sensible de la même façon la mélancolie fait partie de la lumière éclairant le chemin.

PAN LE DIEU BOUC, LE TOUT
(L'arcane XV - Le Diable)

Pan, le dieu-bouc né d'une nymphe était si laid que sa mère, tout en prenant soin de l'envelopper dans une peau de lièvre, décida de l'abandonner dès sa naissance. Hermès (possiblement son père ce qui implique son gout pour la connaissance) le transporta dans l'Olympe où il fut accueilli avec joie par les dieux et tout particulièrement Dionysos.
L'ensemble des dieux sourit à l'enfant au pied fourchu et chacun se découvrant une affinité avec lui, le contemplèrent comme un don incomparable.
Malgré cette reconnaissance Pan porte à jamais l'empreinte de l'enfant abandonné qui ne peut changer son sabot fendu pour la patte du lièvre qu'il n'est pas, ni se marier malgré ses multiples accouplements. Et bien que plaisant aux dieux il n'atteint jamais le sommet de l'Olympe.
A la fois grossier, rustre et obscène dans sa partie inférieure, connu pour violer les nymphes et cela sans états d'âmes, il est délicat et orné de cornes spirituelles dans sa partie supérieure ; de ce fait, personnifant également l'union consciente avec soi-même, il sut détourner Psyché du suicide lorsque rendue insolable par la fuite d'Eros, elle décida d'aller se jeter dans le Styx.

Pan personnifie à la fois tous ce qui est naturel mais également le comportement le plus étroitement lié à la nature, à cette nature inquiétante parlant par des sons, des perceptions et des sensations étranges plutôt que par des mots. Le monde de Pan est donc dans un état continuel de panique subliminale et se révéle  dans une érection constante, brûlante, intime et à l'odeur animale. La nature du Bouc Solitaire n'est en rien  idyllique car son existence  est à la fois isolement, destinée maudite, errance en des lieux déserts et terres en friche. Maître de la nature intérieure et situé dans ses extrêmes, Pan domine les réactions sexuelles et paniques et nous initie par l'apprentissage de la peur, à prendre conscience de notre nature inconsciente et de la sagesse du corps entrant en relation avec le divin.
Pan est la configuration qui relie et empêche les réflexions de se scinder en deux moitiés disjointes, soit le dilemme entre une nature sans âme et une âme sans nature. En maintenant ensemble la nature et la psyché, Pan permet à l'âme par nature instinctuelle, d'offrir aux événements présents de s'y refléter. Dans l'ignorance de sa nature instinctuelle, de son imagination, de sa réflexion et des intentions psychiques qui lui sont propres, l'accès à l'âme se révèle virtuel et les créations dans le présent des plus incertaines.
L'utopie d'une existence sans crainte, sans anxiété, sans effroi et inaccessible à la panique, signifie une perte de l'instinct, une perte de la relation à Pan, une anesthésie de l'élan vital. En effet l'anxiété et le désir sont les noyaux jumeaux de Pan et la panique, comme la dépression, est enracinée au plus profond de la nature humaine. Par terreur du vide, les voiles de l'illusion empêtrent le désir ontologique d'évolution, le piégeant dans le jeu de miroirs des projections. Aussi, le désert affectif laissé par Dieu lors de son retrait au 7eme jour est-il le lieu d'exploration de Pan ; et là où la conscience se meut avec prudence dans une sagesse inspirée par la crainte à travers les espaces désertiques des paysages intérieurs, Pan  arrache l'être à ses zones de facilité, matrices  pétrifiées, jusqu'à l'orée de ces terra incognita.

Alors, la découverte du vide  et du frémissement de la nature dans la friche éternelle de la matière se révèle ; et par cette simple question : « Mais où m'a emmené mon désir ?» l'expérience de la panique s'impose par  l'effraction du numineux.
Chaque nouvelle expérience, chaque nouveau départ vers l'inconnu, chaque nouveau matin est le théâtre de Pan. Errer n'est donc en aucun cas se perdre et correspond aux nécessaires nuits de l'âme précédant le saut vers l'inconnu puisqu'entre moi et l'autre c'est le vide eque le danger serait de le remplir d'images d'Epinal. Tragédie signifiant : champ du bouc, la solitude de Pan représente la solitude du désir, décanté des ses supports fallacieux. Un « je ne sais quoi » qui rappellerait  la mémoire de l'abandon et l'extrême différence dont le dieu Bouc est à jamais porteur...
Par le viol des nymphes, Pan agissant le corps physique, impose à l'âme l'expérience de l'incarnation. Si en lui-même le viol est une horreur parce qu'il est une transgression archétype, l'acte cependant ramène de l'extérieur vers l'intérieur. Cette transgression représente aussi le lien entre des structures dont la différence est exprimée en termes d'opposés : corps-âme, espace-temps etc.; le viol exprime donc la pulsion du corps vers l'âme, entraînant celle-ci dans le processus d'incarnation en mettant un terme brutal à la division entre l'âme et la vie en chair et en os. La violence maléfique du viol n'est pas tant les attaques visant la destruction de l'objet que dans le besoin de le posséder ; et posséder n'est pas la nature de Pan.

L'interdit, au cœur même de la compulsion, anime le désir l'ouvrant à la transgression dont Pan est l'éternel animateur.  Afin de retrouver constamment la fraicheur du premier acte, Pan oblige à une conquête reconduite qui ne peut se réduire à être esclave en tant que second acte. Aussi, Pan ne doit-il jamais être considéré sous l'œil de la morale ; rien de ce qui s'y rapporte ne doit être touché ni amélioré, les opposés étant identiques, il en est de même de Pan et des nymphes.
Dans l'évolution du mythe, la lutte entre Pan et Eros et la victoire de ce dernier amène la supériorité morale de l'amour sur le sexe, du raffinement sur le violent, du sentiment sur la passion, du nettoyé sur le naturel, des sciences sur l'inspiration, du maitrisé sur la spontanéité, du chimique sur le brut, du civilisé sur le primitif et les enclot dans une allégorie d'opposition. Et pourtant, tout comme le monde écrit par Eros et maintenu par cette force ontologique chargé du désir, Pan et la panique appartiennent à la même constellation. La panique est une réponse adéquate à l'irruption d'un numineux quelle que soit la forme sous laquelle il apparaisse.
Dans notre société actuelle l'on peut dire que Pan est mort et qu'Eros, aseptisé et pasteurisé, a triomphé de la nature sans pour autant avoir acquis l'Esprit. Le politiquement correct et l'uniformisé tente de contrôler la nature par sa volonté. Si la connaissance peut y être convoquée, c'est au prix de la volonté mise en demeure de matraquer l'instinct en allant de l'avant sans distinction, de tâche en tâche jusqu'à l'ultime folie. En effet, avec l'arrivée de la philosophie, du christianisme et de la science s'annonça la mort de Pan. Il ne fut plus possible de saisir la conscience par le reflet de nos instincts : les pierres n'étaient plus que des pierres, les arbres n'étaient plus que des arbres, les lieux et les animaux n'étaient plus tel esprit ou tel dieu. La nature fut condamnée comme hérétique et l'image de Pan se confondit avec celle du diable, vivant dans le retour du refoulé et des psychopathologies de l'instinct.
Et pourtant Le Diable, décanté de la folie de la religion, a une place, une fonction et un rôle ontologique dans les Ecritures : la transgression. Ses places et fonctions sont rendues légitimes par le fait qu'il est le seul à ne pas être soumis aux bonnes manières et au politiquement correct. Faisant contrepoids aux excès de la Grande-Mère et à sa pétrification, au trop de pureté il nous permet d'intégrer la nécessité de la petite tache, celle qui nous ouvre à notre humanité. Placée et active au parfait point de césure en attente dans le bon l'espace-temps, la transgression est l'absolue condition à la bonne circulation du flux vital et de son processus.
La confiance contenant en elle-même le germe de la trahison, la transgression  permet également de considérer  la trahiso sous son angle salvateur.  En effet la confiance primordiale signifie être dans le paradis sans Eve ; espace-temps de perfection dans une existence enclose, où l'être se sent distinctement et benoitement reconnu avec la certitude que chaque jour le soleil se lèvera et que le plancher le soutiendra, un espace-temps où aucun être ne trahirait mais également où chacun serait à l'abri de ses propres trahisons, erreur, fuite, vol, lâcheté, mensonge à l'autre et à moi même etc.
L'arrivée de Pan représente donc la poussée hors d'Eden, hors de l'illusion du « tout acquis et absolu » et prépare à l'effraction du numineux. L'acceptation de la perte de l'amour primordial, par la sensation du retrait du regard d'amour du Père lors des nuits de l'âme, impose d'aller retrouver ce regard dans les terres inconnues, là où Pan se tent embusqué.
Liée au rythme de la nécessité, donc au temps, la trahison se révèle  comme appartenantà l'ordre du mystère  masculin. En effet,  lors du départ dans les terres en friche de la nature intérieure, sans le retrait du Père, le pas aurait-il vraiment été franchi ? Où n'aurait-ce été qu'un demi, voir un faux pas soit les pas les plus dangereux ?


Hermès
Dionysos
Apollon